PROPOSITIONS À L’ÉGARD DE L’ACCÈS PUBLIC AUX LACS ET COURS D’EAU DU QUÉBEC POUR LES LOISIRS NON MOTORISÉS

Le Code civil du Québec (article 920) garantit la circulation sur les lacs et les cours d’eau de la province. On peut toutefois se demander que vaut ce droit de navigation si l’accès aux plans d’eau n’est possible que sous certaines conditions. La majorité des adeptes québécois de loisirs non motorisés font face depuis longtemps à des obstacles importants qui restreignent l’accès à l’eau. Pour un peuple qui considère l’eau comme une ressource naturelle collective, c’est une aberration. De plus, le phénomène de privatisation progressive des rives accentue l’inaccessibilité. Le bien commun du peuple québécois exige qu’une loi provinciale protège l’accès universel aux lacs et cours d’eau afin de favoriser la pérennité de notre lien unique avec ce trésor national.

L’engouement pour les activités nautiques est notable à travers la province depuis quelques années et l’apparition de nouveaux sports de pagaie (ex., planche à pagaie ou SUP) contribue à cet essor. Le nombre grandissant d’adeptes crée d’ailleurs une pression supplémentaire sur les sites d’intérêt, déjà limités par le développement riverain. Ainsi, les usagers qui veulent accéder aux lacs et rivières, au fleuve Saint-Laurent même, rencontrent une multitude d’obstacles, et ce dans la plupart des régions du Québec. La création d’accès protégés par la loi permettrait de remédier à cette situation. Par ailleurs, la protection ou la restauration des berges contrerait l’érosion et améliorerait la qualité de l’eau ainsi que les capacités de filtration et de rétention des rives.

Objectif du document: Proposer des solutions afin d’augmenter le nombre d’accès publics aux lacs et cours d’eau du Québec dans le but d’améliorer la qualité de vie de tous. Inscrite dans une approche de développement durable, cette démarche vise à favoriser la sécurité, la santé publique et le développement touristique des régions ainsi qu’à sensibiliser la population sur les fonctions écologiques des rives et la conservation d’habitats.

Types d’aménagements potentiels

  • aménagements modulés, de type minimaliste à plus élaboré, selon la fréquentation du site et les problématiques qui y sont reliées;

  • sites aménagés de façon durable à l’aide d’infrastructures réduisant l’érosion, limitant l’impact sur le milieu naturel et permettant de recueillir les déchets;

  • sites aménagés en harmonie avec les habitats présents, la faune fréquentant les lieux et les résidents à proximité;

  • encadrement d’accès problématiques pour améliorer la sécurité des usagers (pentes glissantes en cas de pluie, racines pouvant faire trébucher, etc.);

  • aménagement d’un accès unique pour un site spécifique où une réduction des impacts négatifs des sentiers d’accès multiples est souhaitable;

  • installation d’affiches informatives sur la sécurité relative aux conditions d’un site, sur les bonnes pratiques à respecter, sur l’approche « sans trace », etc.


Solutions envisagées

  • adoption d’une loi prévoyant la création d’accès aux lacs et cours d’eau pour les embarcations non motorisées dans les municipalités du Québec, avec stationnement à proximité, de manière à en officialiser l’accès et la gratuité;

  • développement des accès aux lacs et cours d’eau à intervalles réguliers (ex., tous les 5 à 10 km) ainsi que des sentiers le long des chutes et rapides;

  • aménagement des accès par la création de servitudes et de fiducies foncières de conservation, et par l’acquisition de terrains riverains par les municipalités;

  • réglementation visant à freiner le développement immobilier sur les rives de plans d’eau;

  • création d’accès publics aux cours d’eau intégrée à tout nouveau projet de développement immobilier, d’aménagement d’espace public ou d’aire protégée de milieux naturels, lorsque l’accès est compatible avec les objectifs de conservation;

  • création d’un nombre d’accès riverains prédéterminé par km2 de territoire, au même titre que des parcs publics, et faisant partie intégrante du schéma d’aménagement des villes ou des MRC;

  • identification, à l’échelle régionale (MRC), des sites subissant une forte pression des utilisateurs, faisant l’objet de contraintes écologiques ou de sécurité publique, ou bien impliquant des propriétaires riverains, pour y développer des accès selon la capacité et les besoins du milieu;

  • tenue de consultations avec les fédérations et organismes de sports nautiques concernés au sujet de sites problématiques et d’aménagements possibles;

  • création d’accès aux sites conjointement avec les autres aménagements de bandes riveraines déjà prévus ou nécessaires sur le territoire. Le tout, en fonction de rives érodées, de milieux humides riverains détruits, de problématiques d’inondations, de programmes de gestion de plantes exotiques envahissantes, etc.;

  • implication des organismes de bassins versants, selon le territoire en cause, pour l’aménagement de sites dans une approche de développement durable et en connaissance des enjeux régionaux;

  • dans la gestion des accès, favoriser l’intérêt public et évaluer la possibilité de confier cette gestion à un organisme public indépendant, d’établir un registre des accès et de créer une plate-forme informative sur les niveaux d’eau, les sites à risque, les éclosions d’algues bleu-vert, les déversements de polluants, etc.;

  • dans la mise en œuvre de la Stratégie québécoise de l’eau 2018-2030, prendre en compte l’aménagement d’accès publics aux cours d’eau et les bienfaits qui y sont associés.

En conclusion, la création et la préservation d’accès publics aux lacs et cours d’eau du Québec s’inscrit dans une démarche :

  • d’adoption des milieux naturels et de développement d’un meilleur contact avec la nature pour tous les Québécois, selon une approche « sans trace »;

  • de pratique d’activités physiques et de développement de saines habitudes de vie contribuant à améliorer la santé publique;

  • d’aménagements durables des berges de cours d’eau en respect des fonctions écologiques des milieux naturels et de l’amélioration ou de la préservation, selon le cas, de la qualité de l’eau pour la pratique d’activités récréatives et aussi pour la consommation;

  • de développement économique et touristique des régions, de par l’attrait pour les milieux naturels où se pratiquent les activités nautiques et où les usagers fréquentent des sites de camping, des lieux d’hébergements, des restaurants ou des épiceries, effectuent la location d’équipements, suivent un cours pratique, achètent un forfait récréatif ou font affaire avec une entreprise locale;

  • de prévention de conflits avec les propriétaires riverains.

Le temps est clairement venu de passer à l’action pour démocratiser l’accès à nos lacs et cours d’eau québécois, qui constituent des éléments essentiels de notre patrimoine naturel et culturel, et ainsi reconnaître légalement, à perpétuité, le lien unique que nous avons avec cette richesse naturelle.

Les organismes, associations, regroupements et individus suivants appuient le présent document de propositions pour l’aménagement d’accès publics aux lacs et cours d’eau du Québec :

- Coalition plein air

- Eau Vive Québec

- Fondation Rivières

- Coalition Navigation

- Club de canoë-kayak d’eau vive de Montréal

- Kayak Québec – Eaux Vives

- Eau Vive Verdun

- Eau Vive Lasalle

- Eau Vive Expérience

- Club d’Eau Vive du Haut Richelieu

- Québec Connection

- Les Portageurs

- Groupe d’accès à la Montmorency

- Agence de bassin versant des 7

- Club Echohamok

- Club Pierre Radisson

- Le club de canot Rabaska de Québec

- Club de canot-camping Kaminak

- Loisir et Sport Lanaudière

- Corran Addison olympien en kayak

- Éric Leclair aventurier et membre de la Société géographique royale du Canada

- Jean-Philippe Meloche Professeur agrégé, École d’urbanisme et d’architecture de paysage, UdeM